Les monstres des Terres Humides
En dehors de notre forteresse, les rues ne sont pas sûres. Il y a quelques règles qui t’éviteront de finir en charpie dès le début, comme ne pas sortir seul, ou simplement rester très prudent. Mais je vais te présenter quelques monstres que nous avons pu croiser, ainsi tu seras peut-être mieux préparé.e, si tu dois les affronter un jour.
I/ Les Sirènes de l’Averse
• La Meute efflanquée
La plupart des Sirènes que nous avons vues se déplacent en une ou deux bandes. Nous les appelons “la Meute efflanquée” car elles ressemblent à des chiens errants en mal de nourriture. Ces choses sont efflanquées, les côtes saillant sous une peau galeuse, les gencives noires se rétractant sur des dents jaunâtres, les yeux noirs – lorsqu’elles en ont – s’enfonçant dans des orbites dégoulinant de pus.
Ce sont nos Sirènes archétypales : lâches, charognardes, capables de parler comme des humains avec un accent gémissant. Elles ne font que courir après leurs victimes, sur un sol mouillé, incapables de marcher (ou plutôt ramper) sur un sol sec. Si tu en vois une, tu peux être sûr.e que dix autres vont rappliquer. Elles sont infatigables, aussi mieux vaut rapidement se mettre à l’abri.
• L’Outre à Dégueule
Cette Sirène est tellement stupide qu’on pourrait croire que ce n’est qu’un champignon ou une plante. C’est en réalité un fléau dont il est extrêmement difficile de se débarrasser.
Elle commence son existence sous la forme d’une espèce de petit champignon gorgé d’eau croupie, susceptible d’apparaître dans n’importe quel recoin sombre et humide, y compris dans notre forteresse. Ayant au début la taille d’un poing adulte, la chose grossit au fur et à mesure, se nourrissant de l’humidité des lieux, mais aussi des mauvaises émotions.
Quand elle atteint environ un mètre de hauteur, l’Outre commence à émettre des phéromones dans l’air, qui endorment les enfants qui s’en approchent. Si personne ne vient les réveiller, ils finissent par mourir de faim, puis se font décomposer et absorber par cette Sirène. Mais attention à ne pas finir endormi toi aussi…
• Le Confiseur
La première fois que tu entends le terme Confiseur, tu imagines peut-être un grand monsieur vivant dans une de ces vieilles boutiques pleines de bonbons et autres sucettes et caramels. Je ne sais pas qui a trouvé ce nom, mais sache une chose : les bonbons, même périmés, valent tout l’or du monde à Libreté.
Mais ce confiseur-là n’a rien d’un gentil monsieur. C’est une Sirène gluante, faite d’une gélatine colorée, sur laquelle des bonbons sont collés. Elle en sème parfois, d’ailleurs.
Celui qui met la mains sur ces bonbons se retrouvent collés, englués, et une substance visqueuse le recouvre peu à peu. Des sucs gastriques puissants digèrent leur proie en quelques minutes à peine. Ceux que l’on parvient à extirper à temps sont souvent gravement brûlés.
II/ Les Animaux Pelés
On raconte que lorsque les adultes ont disparu, le zoo du centre-ville s’est retrouvé totalement abandonné du jour au lendemain. Certains animaux ont disparu eux aussi, et d’autres sont morts, faute de nourriture, dans l’indifférence la plus totale. Mais quelques uns sont toujours dans le zoo…
Ces animaux font peur à tous les enfants qui l’aperçoivent. Ce sont des animaux galeux, nourris de leur propre rancœur. Ils hantent désormais le zoo abandonné.
Les enfants qui s’aventurent ici à la recherche de nourriture (on y trouve parfois du pop-corn et des barbapapa) se retrouvent bien vite traqués par ces animaux. Ils ont pour la plupart le pelage ou la peau qui se détache par plaques entières, révélant une chair grisâtre et molle quand ce n’est pas l’os lui-même qui affleure. Leurs yeux sont bien souvent absents, présentant une orbite vide. Si tu entends leurs cris, cache-toi au plus vite : ils sont rapides et auraient vite fait de te piétiner pour te réduire à l’état de corps disloqué.
III/ Les Oiseaux de Papier
Je me suis toujours demandé si des enfants étaient à l’origine des Oiseaux de Papier. Quoi qu’il en soit, les oiseaux volent dans les cieux silencieusement, sans produire plus de bruit qu’un léger bruissement de papier. Ils fondent sur leur proie sans que celle-ci ait le temps de comprendre ce qui lui arrive. Leurs becs tranchants découpent la chair. Une volonté unique semble animer l’ensemble de la volée. Ils agissent comme une entité unique, ce qui fait leur faiblesse mais également leur force, lorsqu’il s’agit de plonger sur une cible isolée. Ils sont assez vulnérables au feu, mais bien que faits de papier, ils ne semblent pas craindre les averses fréquentes.
IV/ Les Ombres Murmurantes
Personne ne sait à quoi ressemblent les Ombres Murmurantes. Ont-elles seulement un corps ? Ces choses ne vivent que dans les zones les plus obscures et impénétrables, et elles sont d’ailleurs nombreuses dans la Forêt Truc. Elles semblent disparaître à la lumière : n’éteins jamais ta torche, et ne va jamais là où il n’y a pas de lumière.
Pour t’attirer dans les ténèbres, les Ombres Murmurantes prennent la voix de tes parents, tes amis, tes proches disparus. Elles te promettront des choses, utiliseront tes souvenirs pour t’appâter. Une fois dans l’obscurité, elles suceront tes os jusqu’à ce que toute chair en ait été méticuleusement ôtée.
V/ Le Clown-sans-anniversaire
On raconte qu’un enfant a ramené ce souvenir avec lui il y a longtemps. Ce clown est en quête d’anniversaires… mortels. Cette créature hante le chapiteau du vieux cirque en attendant de croiser le regard d’un enfant. Une fois que tu as croisé son regard, le Clown te suivra partout. Il disparaîtra dès qu’il y aura du monde, et certains autres enfants pourraient ne pas te croire si tu leur racontes ce que tu vois…
Le Clown, aux longues dents comme des rasoirs, un long couteau de boucher sur lui, essaiera de te rendre fou.
VI/ Les Araignées-Lune
Les Araignées-Lune descendent le long de fils argentés lors des nuits dégagées. On dirait presque qu’elles viennent droit de la lune, d’où leur nom. Rondes et blanches, elles ressemblent à de minuscules boules cotonneuses de lumière. Tu seras peut-être tenté de courir après pour les attraper, mais ne le fais pas.
Lorsqu’une araignée entre en contact avec la peau d’un enfant, elles s’y agrippent fermement, et injecte un poison dans le corps de sa victime, ce qui a pour effet d’engourdir le membre touché. Le problème est que ces araignées ne tombent jamais seules, et une vingtaine de morsures provoquent une paralysie totale. Si personne ne vient te sauver, tu seras mort en quelques minutes…
Contexte
Il fait nuit, et il pleut. Tu ne sais pas comment tu es arrivé là mais vraisemblablement, tu es perdu. Tu es seul.e, dans une rue déserte et inconnue, sans tes parents. Tu as peur ; la nuit sanglote autour de toi et l’angoisse t’étreint. Peut-être cries-tu, mais personne ne vient. La pluie tombe et rythme tes pas effrayés. Tu finis par te retrouver devant une flaque d’eau, banale et noire. Mais tu recules. Quelque chose sort de la flaque, une silhouette informe et humide, à la fois humain et monstrueux. Tu prends tes jambes à ton cou et tu fuis en sens inverse, poursuivi.e par cette créature qui semble vouloir t’attraper. Elle glisse sur le bitume humide, comme un serpent visqueux, tandis que tes petites jambes d’enfant t’emmènent aussi vite qu’elles le peuvent. Si tu es trop lent, c’est fini.
Mais si tu es là, c’est que tu fais partie des chanceux. Peut-être que tu as pu te réfugier au sec, et qu’une patrouille t’as trouvé, ou peut-être que tu as couru jusqu’à la forteresse. Soit, tu as trouvé le refuge des enfants perdus, et te voilà en sécurité. Pour un certain temps, seulement. Dehors, la pluie ne cesse pas et les Sirènes de l’Averse rôdent toujours…
Bienvenue à Libreté.